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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

— Hé ! bien, Max, lui dit François en lui prenant le bras, ils arrivent ce soir…

— Qui ?…

— Les Bridau ! Ma grand’mère vient de recevoir une lettre de sa filleule.

— Écoute, mon petit, lui dit Max à l’oreille, j’ai réfléchi profondément à cette affaire. Flore ni moi, nous ne devons pas paraître en vouloir aux Bridau. Si les héritiers quittent Issoudun, c’est vous autres, les Hochon, qui devez les renvoyer. Examine bien ces Parisiens ; et, quand je les aurai toisés, demain, chez la Cognette, nous verrons ce que nous pourrons leur faire et comment les mettre mal avec ton grand-père ?…

— L’Espagnol a trouvé le défaut de la cuirasse à Max, dit Baruch à son cousin François en rentrant chez monsieur Hochon et regardant leur ami qui rentrait chez lui.

Pendant que Max faisait son coup, Flore, malgré les recommandations de son commensal, n’avait pu contenir sa colère ; et, sans savoir si elle en servait ou si elle en dérangeait les plans, elle éclatait contre le pauvre célibataire. Quand Jean-Jacques encourait la colère de sa bonne, on lui supprimait tout d’un coup les soins et les chatteries vulgaires qui faisaient sa joie. Enfin, Flore mettait son maître en pénitence. Ainsi, plus de ces petits mots d’affection dont elle ornait la conversation avec des tonalités différentes et des regards plus ou moins tendres : – mon petit chat, – mon gros bichon, – mon bibi, – mon chou, – mon rat, etc… Un vous, sec et froid, ironiquement respectueux, entrait alors dans le cœur du malheureux garçon comme une lame de couteau. Ce vous servait de déclaration de guerre. Puis, au lieu d’assister au lever du bonhomme, de lui donner ses affaires, de prévoir ses désirs, de le regarder avec cette espèce d’admiration que toutes les femmes savent exprimer, et qui, plus elle est grossière, plus elle charme, en lui disant : — Vous êtes frais comme une rose ! — Allons, vous vous portez à merveille. — Que tu es beau, vieux Jean ! — enfin au lieu de le régaler pendant son lever, des drôleries et des gaudrioles qui l’amusaient, Flore le laissait s’habiller tout seul. S’il appelait la Rabouilleuse, elle répondait du bas de l’escalier : — Eh ! je ne puis pas tout faire à la fois, veiller à votre déjeuner, et vous servir dans votre chambre. N’êtes-vous pas assez grand garçon pour vous habiller tout seul ?