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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

sonne, Rouget ne soupçonna jamais la complicité de son hôte dans les œuvres nocturnes des Chevaliers de la Désœuvrance.

Vers les huit heures, Flore, vêtue d’une robe de chambre en jolie étoffe de coton à mille raies roses, coiffée d’un bonnet de dentelles, les pieds dans des pantoufles fourrées, ouvrit doucement la porte de la chambre de Max ; mais, en le voyant endormi, elle resta debout devant le lit.

— Il est rentré si tard, dit-elle, à trois heures et demie. Il faut avoir un fier tempérament pour résister à ces amusements-là. Est-il fort, cet amour d’homme !… Qu’auront-ils fait cette nuit ?

— Tiens, te voilà, ma petite Flore, dit Max en s’éveillant à la manière des militaires accoutumés par les événements de la guerre à trouver leurs idées au complet et leur sang-froid au réveil, quelque subit qu’il soit.

— Tu dors, je m’en vais…

— Non, reste, il y a des choses graves…

— Vous avez fait quelque sottise cette nuit ?…

— Ah ! ouin !… Il s’agit de nous et de cette vieille bête. Ah ! ça, tu ne m’avais jamais parlé de sa famille… Eh ! bien, elle arrive ici, la famille, sans doute pour nous tailler des croupières…

— Ah ! je m’en vais le secouer, dit Flore.

— Mademoiselle Brazier, dit gravement Max, il s’agit de choses trop sérieuses pour y aller à l’étourdie. Envoie-moi mon café, je le prendrai dans mon lit, où je vais songer à la conduite que nous devons tenir… Reviens à neuf heures, nous causerons. En attendant, fais comme si tu ne savais rien.

Saisie par cette nouvelle, Flore laissa Max et alla lui préparer son café ; mais, un quart d’heure après, Baruch entra précipitamment, et dit au Grand-Maître : — Fario cherche sa brouette !…

En cinq minutes, Max fut habillé, descendit, et, tout en ayant l’air de flâner, il gagna le bas de la Tour, où il vit un rassemblement assez considérable.

— Qu’est-ce ? fit Max en perçant la foule et pénétrant jusqu’à l’Espagnol.

Fario, petit homme sec, était d’une laideur comparable à celle d’un grand d’Espagne. Des yeux de feu comme percés avec une vrille et très rapprochés du nez l’eussent fait passer à Naples pour un jeteur de sorts. Ce petit homme paraissait doux parce qu’il était grave, calme, lent dans ses mouvements. Aussi le nommait-on le