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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

histoires plus ou moins comiques sur les relations de ce pauvre homme avec sa servante. Les enfants n’en allaient pas moins au catéchisme, et n’en faisaient pas moins leur première communion ; il n’y en avait pas moins un collège ; on disait bien la messe, on fêtait toujours les fêtes ; on payait les contributions, seule chose que Paris veuille de la province ; enfin le maire y prenait des Arrêtés ; mais ces actes de la vie sociale s’accomplissaient par routine. Ainsi, la mollesse de l’administration concordait admirablement à la situation intellectuelle et morale du pays. Les événements de cette histoire peindront d’ailleurs les effets de cet état de choses qui n’est pas si singulier qu’on pourrait le croire. Beaucoup de villes en France, et particulièrement dans le Midi, ressemblent à Issoudun. L’état dans lequel le triomphe de la Bourgeoisie a mis ce Chef-lieu d’arrondissement est celui qui attend toute la France et même Paris, si la Bourgeoisie continue à rester maîtresse de la politique extérieure et intérieure de notre pays.

Maintenant, un mot de la topographie. Issoudun s’étale du nord au sud sur un coteau qui s’arrondit vers la route de Châteauroux. Au bas de cette éminence, on a jadis pratiqué pour les besoins des fabriques ou pour inonder les douves des remparts au temps où florissait la ville, un canal appelé maintenant la Rivière-Forcée, et dont les eaux sont prises à la Théols. La Rivière-Forcée forme un bras artificiel qui se décharge dans la rivière naturelle, au delà du faubourg de Rome, au point où s’y jettent aussi la Tournemine et quelques autres courants. Ces petits cours d’eau vive, et les deux rivières arrosent des prairies assez étendues que cerclent de toutes parts des collines jaunâtres ou blanches parsemées de points noirs. Tel est l’aspect des vignobles d’Issoudun pendant sept mois de l’année. Les vignerons recèpent la vigne tous les ans et ne laissent qu’un moignon hideux et sans échalas au milieu d’un entonnoir. Aussi quand on arrive de Vierzon, de Vatan ou de Châteauroux, l’œil attristé par des plaines monotones est-il agréablement surpris à la vue des prairies d’Issoudun, l’oasis de cette partie du Berry, qui fournit de légumes le pays à dix lieues à la ronde. Au-dessous du faubourg de Rome, s’étend un vaste marais entièrement cultivé en potagers et divisé en deux régions qui portent le nom de bas et de haut Baltan. Une vaste et longue avenue ornée de deux contre-allées de peupliers, mène de la ville au travers des prairies à un ancien couvent nommé Frapesle, dont les jardins anglais, uniques dans