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Lorsqu’il demanda à des passants de lui enseigner un bureau de loterie, on lui répondit qu’ils étaient fermés, mais que celui du Perron au Palais-Royal restait quelquefois ouvert un peu plus tard. Aussitôt l’artiste vola vers le Palais-Royal, où il trouva le bureau fermé.

— Deux minutes de moins et vous auriez pu faire votre mise, lui dit un des crieurs de billets qui stationnaient au bas du Perron en vociférant ces singulières paroles : — Douze cents francs pour quarante sous ! et offrant des billets tout faits.

À la lueur du réverbère et des lumières du café de la Rotonde, Joseph examina si par hasard il y aurait sur ces billets quelques-uns des numéros de la Descoings ; mais il n’en vit pas un seul, et revint avec la douleur d’avoir fait en vain tout ce qui dépendait de lui pour satisfaire la vieille femme, à laquelle il raconta ses disgrâces. Agathe et sa tante allèrent ensemble à la messe de minuit à Saint-Germain-des-Prés. Joseph se coucha. Le réveillon n’eut pas lieu. La Descoings avait perdu la tête, Agathe avait au cœur un deuil éternel. Les deux femmes se levèrent tard. Dis heures sonnèrent quand la Descoings essaya de se remuer pour faire le déjeuner, qui ne fut prêt qu’à onze heures et demie. Vers cette heure, des cadres oblongs appendus au-dessus de la porte des bureaux de loterie contenaient les numéros sortis. Si la Descoings avait eu son billet, elle serait allée à neuf heures et demie rue Neuve-des-Petits-Champs savoir son sort, qui se décidait dans un hôtel contigu au Ministère des Finances, et dont la place est maintenant occupée par le théâtre et la place Ventadour. Tous les jours de tirage, les curieux pouvaient admirer à la porte de cet hôtel un attroupement de vieilles femmes, de cuisinières et de vieillards qui, dans ce temps, formait un spectacle aussi curieux que celui de la queue des rentiers le jour du payement des rentes au Trésor.

— Eh ! bien, vous voilà richissime ! s’écria le vieux Desroches en entrant au moment où la Descoings savourait sa dernière gorgée de café.

— Comment ? s’écria la pauvre Agathe.

— Son terne est sorti, dit-il en présentant la liste des numéros écrits sur un petit papier et que les buralistes mettaient par centaines dans une sébile sur leurs comptoirs.

Joseph lut la liste, Agathe lut la liste. La Descoings ne lut rien, elle fut renversée comme par un coup de foudre ; au changement