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— Il y a donc un moment où l’on s’ennuie de s’amuser ? dit La Palférine, de n’être rien, de vivre comme les oiseaux, de chasser dans Paris comme les Sauvages et de rire de tout !…

— Tout fatigue, même l’Enfer, dit Maxime en riant. À ce soir !

Les deux roués, le jeune et le vieux, se levèrent. En regagnant son escargot à un cheval, Maxime se dit : — Madame d’Espard ne peut pas souffrir Béatrix, elle va m’aider… À l’hôtel de Grandlieu, cria-t-il à son cocher en voyant passer Rastignac.

Trouvez un grand homme sans faiblesses ?… Maxime vit la duchesse, madame du Guénic et Clotilde en larmes.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-il à la duchesse.

— Calyste n’est pas rentré, c’est la première fois, et ma pauvre Sabine est au désespoir.

— Madame la duchesse, dit Maxime en attirant la femme pieuse dans l’embrasure d’une fenêtre, au nom de Dieu qui nous jugera, gardez le plus profond secret sur mon dévouement, exigez-le de d’Ajuda, que jamais Calyste ne sache rien de nos trames, ou nous aurions ensemble un duel à mort… Quand je vous ai dit qu’il ne vous en coûterait pas grand’chose, j’entendais que vous ne dépenseriez pas des sommes folles, il me faut environ vingt mille francs ; mais tout le reste me regarde, et il faudra faire donner des places importantes, peut-être une Recette générale.

La duchesse et Maxime sortirent. Quand madame de Grandlieu revint près de ses deux filles, elle entendit un nouveau dithyrambe de Sabine émaillé de faits domestiques encore plus cruels que ceux par lesquels la jeune épouse avait vu finir son bonheur.

— Sois tranquille, ma petite, dit la duchesse à sa fille, Béatrix payera bien cher tes larmes et tes souffrances, la main de Satan s’appesantit sur elle, elle recevra dix humiliations pour chacune des tiennes !…

Madame Schontz fit prévenir Claude Vignon qui plusieurs fois avait manifesté le désir de connaître personnellement Maxime de Trailles ; elle invita Couture, Fabien, Bixiou, Léon de Lora, La Palférine et Nathan. Ce dernier fut demandé par Rochefide pour le compte de Maxime. Aurélie eut ainsi neuf convives tous de première force, à l’exception de du Ronceret ; mais la vanité normande et l’ambition brutale de l’Héritier se trouvaient à la hauteur de la puissance littéraire de Claude Vignon, de la poésie de Nathan, de la finesse de La Palférine, du coup d’œil financier de Couture,