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ne se fit pas attendre. La Certitude ne manque jamais, elle est comme le soleil, elle exige bientôt des stores. C’est en amour une répétition de la fable du bûcheron appelant la Mort, on demande à la Certitude de nous aveugler.

Un matin, quinze jours après la première crise, Sabine reçut cette lettre terrible.

à madame la baronne du guénic.
Guérande.

« Ma chère fille, ma belle-sœur Zéphirine et moi, nous nous sommes perdues en conjectures sur la toilette dont parle votre lettre ; j’en écris à Calyste et je vous prie de me pardonner notre ignorance. Vous ne pouvez pas douter de nos cœurs. Nous vous amassons des trésors. Grâce aux conseils de mademoiselle de Pen-Hoël sur la gestion de vos biens, vous vous trouverez dans quelques années un capital considérable, sans que vos revenus en aient souffert.

» Votre lettre, chère fille aussi aimée que si je vous avais portée dans mon sein et nourrie de mon lait, m’a surprise par son laconisme et surtout par votre silence sur mon cher petit Calyste ; vous n’aviez rien à me dire du grand, je le sais heureux ; mais, etc. »

Sabine mit sur cette lettre en travers : La noble Bretagne ne peut pas être tout entière à mentir !… Et elle posa la lettre sur le bureau de Calyste. Calyste trouva la lettre et la lut. Après avoir reconnu l’écriture et la ligne de Sabine, il jeta la lettre au feu, bien résolu de ne l’avoir jamais reçue. Sabine passa toute une semaine en angoisses dans le secret desquelles seront les âmes angéliques ou solitaires que l’aile du mauvais ange n’a jamais effleurées. Le silence de Calyste épouvantait Sabine.

— Moi qui devrais être tout douceur, tout plaisir pour lui, je lui ai déplu, je l’ai blessé !… Ma vertu s’est faite haineuse, j’ai sans doute humilié mon idole ! se disait-elle.

Ces pensées lui creusèrent des sillons dans le cœur. Elle voulait demander pardon de cette faute, mais la Certitude lui décocha de nouvelles preuves.

Hardie et insolente, Béatrix écrivit un jour à Calyste chez lui, madame du Guénic reçut la lettre, la remit à son mari sans l’avoir ouverte ; mais elle lui dit, la mort dans l’âme, et la voix altérée :