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sanglant triomphe de notre Sauveur. Si ceci est le sublime, que dites-vous de l’envers ?

» N’étant ni lord Byron, ni Gœthe, deux colosses de poésie et d’égoïsme, mais tout simplement l’auteur de quelques poésies estimées, je ne saurais réclamer les honneurs d’un culte. Je suis très peu martyr. J’ai tout à la fois du cœur et de l’ambition, car j’ai ma fortune à faire et suis encore jeune. Voyez-moi, comme je suis. La bonté du roi, les protections de ses ministres me donnent une existence convenable. J’ai toutes les allures d’un homme fort ordinaire. Je vais aux soirées de Paris, absolument comme le premier sot venu ; mais dans une voiture dont les roues ne portent pas sur un terrain solidifié, comme le veut le temps présent, par des inscriptions de rente sur le Grand-Livre. Si je ne suis pas riche, je n’ai donc pas non plus le relief que donnent la mansarde, le travail incompris, la gloire dans la misère, à certains hommes qui valent mieux que moi, comme d’Arthez, par exemple. Quel dénoûment prosaïque allez-vous chercher aux fantaisies enchanteresses de votre jeune enthousiasme ? Restons-en là. Si j’ai eu le bonheur de vous sembler une rareté terrestre, vous aurez été, pour moi, quelque chose de lumineux et d’élevé, comme ces étoiles qui s’enflamment et disparaissent. Que rien ne ternisse cet épisode de notre vie. En continuant ainsi, je pourrais vous aimer, concevoir une de ces passions folles qui font briser les obstacles, qui vous allument dans le cœur des feux dont la violence est inquiétante relativement à leur durée ; et, supposez que je réussisse auprès de vous, nous finissons de la façon la plus vulgaire : un mariage, un ménage, des enfants… Oh ! Bélise et Henriette Chrysale ensemble, est-ce possible ?… Adieu, donc ! »



IX.
à monsieur de canalis.


« Mon ami, votre lettre m’a fait autant de chagrin que de plaisir. Peut-être aurons-nous bientôt tout plaisir en nous lisant. Comprenez-moi bien. On parle à Dieu, nous lui demandons une foule de