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fille d’un petit détaillant, pour la jeune bourgeoise, pour l’enfant d’une riche maison de commerce, pour la jeune héritière d’une noble famille, pour une fille de la maison d’Este. Un roi ne doit pas se baisser pour ramasser une pièce d’or, et le laboureur doit retourner sur ses pas pour retrouver dix sous perdus, quoique l’un et l’autre doivent obéir aux lois de l’Économie.

» Une d’Este riche de six millions peut mettre un chapeau à grands bords et à plumes, brandir sa cravache, presser les flancs d’un barbe, et venir, amazone brodée d’or, suivie de laquais, à un poëte en disant : « J’aime la poésie, et je veux expier les torts de Léonore envers le Tasse ! » tandis que la fille d’un négociant se couvrirait de ridicule en l’imitant.

» À quelle classe sociale appartenez-vous ? Répondez sincèrement, et je vous répondrai de même à la question que vous m’avez posée.

» N’ayant pas l’heur de vous connaître, et déjà lié par une sorte de communion poétique, je ne voudrais pas vous offrir des hommages vulgaires. C’est déjà peut-être une malice victorieuse que d’embarrasser un homme qui publie des livres. »


Le Référendaire ne manquait pas de cette adresse que peut se permettre un homme d’honneur. Courrier par courrier il reçut la réponse.



V.
à monsieur de Canalis.


« Vous êtes de plus en plus raisonnable, mon cher poëte. Mon père est comte. Notre principale illustration est un cardinal du temps où les cardinaux marchaient presque les égaux des rois. Aujourd’hui notre maison quasi-tombée, finit en moi ; mais j’ai les quartiers voulus pour entrer dans toutes les cours et dans tous les chapitres. Nous valons enfin les Canalis. Trouvez bon que je ne vous envoie pas nos armes. Tâchez de répondre aussi sincèrement que je le fais. J’attends votre réponse pour savoir si je pourrai me dire encore comme maintenant,

» Votre servante,
» O. d’Este-M. »