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bleau dans mon cœur qui ne s’effacera jamais, et d’une couleur inimitable.

» Ah ! ma mère, il m’est impossible de mettre ainsi les apparences de la guerre ou de l’inimitié dans mon amour. Calyste fera de moi tout ce qu’il voudra. Cette larme est la première, je pense, qu’il m’ait donnée, ne vaut-elle pas mieux que la seconde déclaration de nos droits ?… Une femme sans cœur serait devenue dame et maîtresse après la scène du bateau, moi, je me suis reperdue. D’après votre système, plus je deviens femme, plus je me fais fille, car je suis affreusement lâche avec le bonheur, je ne tiens pas contre un regard de mon seigneur. Non ! je ne m’abandonne pas à son amour, je m’y attache comme une mère presse son enfant contre son sein en craignant quelque malheur. »




III.


de la même à la même.
Juillet, Guérande.

« Ah ! chère maman, au bout de trois mois connaître la jalousie ! Voilà mon cœur bien complet, j’y sens une haine profonde et un profond amour ! Je suis plus que trahie, je ne suis pas aimée !…… Suis-je heureuse d’avoir une mère, un cœur où je puisse crier à mon aise !… Nous autres femmes, qui sommes encore un peu jeunes filles, il suffit qu’on nous dise : « Voici une clef tachée de sang, au milieu de toutes celles de votre palais, entrez partout, jouissez de tout, mais gardez-vous d’aller aux Touches ! » pour que nous entrions là, les pieds chauds, les yeux allumés de la curiosité d’Ève. Quelle irritation mademoiselle des Touches avait mise dans mon amour ! Mais aussi pourquoi m’interdire les Touches ? Qu’est-ce qu’un bonheur comme le mien qui dépendrait d’une promenade, d’un séjour dans un bouge de Bretagne ? Et qu’ai-je à craindre ? Enfin, joignez aux raisons de madame Barbe-Bleue le désir qui mord toutes les femmes de savoir si leur pouvoir est précaire ou solide, et vous comprendrez comment un jour j’ai demandé d’un petit air in-