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personne, madame habitait le rez-de-chaussée, et monsieur le premier étage. Quand madame la comtesse resta seule, elle ne se montra plus qu’à l’église. Plus tard, chez elle, à son château, elle refusa de voir les amis et amies qui vinrent lui faire des visites. Elle était déjà très changée au moment où elle quitta la Grande Bretèche pour aller à Merret. Cette chère femme-là… (je dis chère, parce que ce diamant me vient d’elle, je ne l’ai vue, d’ailleurs, qu’une seule fois ! ) Donc, cette bonne dame était très malade ; elle avait sans doute désespéré de sa santé, car elle est morte sans vouloir appeler de médecins ; aussi, beaucoup de nos dames ont-elles pensé qu’elle ne jouissait pas de toute sa tête. Monsieur, ma curiosité fut donc singulièrement excitée en apprenant que madame de Merret avait besoin de mon ministère. Je n’étais pas le seul qui s’intéressât à cette histoire. Le soir même, quoiqu’il fût tard, toute la ville sut que j’allais à Merret. La femme de chambre répondit assez vaguement aux questions que je lui fis en chemin ; néanmoins, elle me dit que sa maîtresse avait été administrée par le curé de Merret pendant la journée, et qu’elle paraissait ne pas devoir passer la nuit. J’arrivai sur les onze heures au château. Je montai le grand escalier. Après avoir traversé de grandes pièces hautes et noires, froides et humides en diable, je parvins dans la chambre à coucher d’honneur où était madame la comtesse. D’après les bruits qui couraient sur cette dame (monsieur, je n’en finirais pas si je vous répétais tous les contes qui se sont débités à son égard !), je me la figurais comme une coquette. Imaginez-vous que j’eus beaucoup de peine à la trouver dans le grand lit où elle gisait. Il est vrai que, pour éclairer cette énorme chambre à frises de l’ancien régime, et poudrées de poussière à faire éternuer rien qu’à les voir, elle avait une de ces anciennes lampes d’Argant. Ah ! mais vous n’êtes pas allé à Merret ! Eh ! bien, monsieur, le lit est un de ces lits d’autrefois, avec un ciel élevé, garni d’indienne à ramages. Une petite table de nuit était près du lit, et je vis dessus une Imitation de Jésus-Christ, que, par parenthèse, j’ai achetée à ma femme, ainsi que la lampe. Il y avait aussi une grande bergère pour la femme de confiance, et deux chaises. Point de feu, d’ailleurs. Voilà le mobilier. Ça n’aurait pas fait dix lignes dans un inventaire. Ah ! mon cher monsieur, si vous aviez vu, comme je la vis alors, cette vaste chambre tendue en tapisseries brunes, vous vous seriez cru transporté dans une véritable scène de roman. C’était glacial,