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assoupissement de Calyste et de son père, la vieille demoiselle de Pen-Hoël lui eut dit que sans doute il fallait se résigner à voir mourir le baron, dont la figure était devenue blanche et prenait des tons de cire, elle laissa tomber son tricot, fouilla dans sa poche, en sortit un vieux chapelet de bois noir, et se mit à le dire avec une ferveur qui rendit à sa figure antique et desséchée une splendeur si vigoureuse, que l’autre vieille fille imita son amie ; puis tous, à un signe du curé, se joignirent à l’élévation mentale de mademoiselle du Guénic.

— J’ai prié Dieu la première, dit la baronne en se souvenant de la fatale lettre écrite par Calyste, il ne m’a pas exaucée !

— Peut-être ferions-nous bien, dit le curé Grimont, de prier mademoiselle des Touches de venir voir Calyste.

— Elle ! s’écria la vieille Zéphirine, l’auteur de tous nos maux, elle qui l’a diverti de sa famille, qui nous l’a enlevé, qui lui a fait lire des livres impies, qui lui a appris un langage hérétique ! Qu’elle soit maudite, et puisse Dieu ne lui pardonner jamais ! Elle a brisé les du Guénic.

— Elle les relèvera peut-être, dit le curé d’une voix douce. C’est une sainte et une vertueuse personne ; je suis son garant, elle n’a que de bonnes intentions pour lui. Puisse-t-elle être à même de les réaliser !

— Avertissez-moi le jour où elle mettra les pieds ici, j’en sortirai, s’écria la vieille. Elle a tué le père et le fils. Croyez-vous que je n’entende pas la voix faible de Calyste ? à peine a-t-il la force de parler.

Ce fut en ce moment que les trois médecins entrèrent ; ils fatiguèrent Calyste de questions ; mais, quant au père, l’examen dura peu ; leur conviction fut complète en un moment, ils étaient surpris qu’il vécût encore. Le médecin de Guérande annonça tranquillement à la baronne que, relativement à Calyste, il fallait probablement aller à Paris consulter les hommes les plus expérimentés de la science, car il en coûterait plus de cent louis pour leur déplacement.

— On meurt de quelque chose, mais l’amour, ce n’est rien, dit mademoiselle de Pen-Hoël.

— Hélas ! quelle que soit la cause, Calyste meurt, dit la baronne, je reconnais en lui tous les symptômes de la consomption, la plus horrible des maladies de mon pays.