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allait la récolte de sel, étaient sur la jetée, admirant ce silencieux paysage où la mer faisait seule entendre le mugissement de ses vagues en temps égaux, où des barques sillonnaient la mer, et où la ceinture verte de la terre cultivée produisait un effet d’autant plus gracieux qu’il est excessivement rare sur les bords toujours désolés de l’océan.

— Hé ! bien, mes amis, j’aurai vu les marais de Guérande encore une fois avant de mourir, dit le baron à des paludiers qui se groupèrent à l’entrée des marais pour le saluer.

— Est-ce que les du Guénic meurent ! dit un paludier.

En ce moment, la caravane partie des Touches arriva dans le petit chemin. La marquise allait seule en avant, Calyste et Camille la suivaient en se donnant le bras. À vingt pas en arrière venait Gasselin.

— Voilà ma mère et mon père, dit le jeune homme à Camille.

La marquise s’arrêta. Madame du Guénic éprouva la plus violente répulsion en voyant Béatrix, qui cependant était mise à son avantage : un chapeau d’Italie orné de bluets et à grands bords, ses cheveux crêpés dessous, une robe d’une étoffe écrue de couleur grisâtre, une ceinture bleue à longs bouts flottants, enfin un air de princesse déguisée en bergère.

— Elle n’a pas de cœur, se dit la baronne.

— Mademoiselle, dit Calyste à Camille, voici madame du Guénic et mon père. Puis il dit au baron et à la baronne : — Mademoiselle des Touches et madame la marquise de Rochegude, née de Casteran, mon père.

Le baron salua mademoiselle des Touches, qui fit un salut humble et plein de reconnaissance à la baronne.

— Celle-là, pensa Fanny, aime vraiment mon fils, elle semble me remercier d’avoir mis Calyste au monde.

— Vous venez voir, comme je le fais, si la récolte sera bonne ; mais vous avez de meilleures raisons que moi d’être curieuse, dit le baron à Camille, car vous avez là du bien, mademoiselle.

— Mademoiselle est la plus riche de tous les propriétaires, dit un de ces paludiers, et que Dieu la conserve, elle est bonne dame.

Les deux compagnies se saluèrent et se quittèrent.

— On ne donnerait pas plus de trente ans à mademoiselle des Touches, dit le bonhomme à sa femme. Elle est bien belle. Et Calyste