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bateliers, en traversant les sables et les marais, Calyste eut des craintes. La phrase de Camille était empreinte de quelque chose de fatal qui trahissait la seconde vue de la maternité. Quand il revint quatre heures après, fatigué, comptant dîner aux Touches, il trouva la femme de chambre de Camille en sentinelle sur la porte, l’attendant pour lui dire que sa maîtresse et la marquise ne pourraient le recevoir ce soir. Quand Calyste, surpris, voulut questionner la femme de chambre, elle ferma la porte et se sauva. Six heures sonnaient au clocher de Guérande. Calyste rentra chez lui, se fit faire à dîner et joua la mouche en proie à une sombre méditation. Ces alternatives de bonheur et de malheur, l’anéantissement de ses espérances succédant à la presque certitude d’être aimé, brisaient cette jeune âme qui s’envolait à pleines ailes vers le ciel et arrivait si haut que la chute devait être horrible.

— Qu’as-tu, mon Calyste ? lui dit sa mère à l’oreille.

— Rien, répondit-il en montrant des yeux d’où la lumière de l’âme et le feu de l’amour s’étaient retirés.

Ce n’est pas l’espérance, mais le désespoir qui donne la mesure de nos ambitions. On se livre en secret aux beaux poèmes de l’espérance, tandis que la douleur se montre sans voile.

— Calyste, vous n’êtes pas gentil, dit Charlotte après avoir essayé vainement sur lui ces petites agaceries de provinciale qui dégénèrent toujours en taquinages.

— Je suis fatigué, dit-il en se levant et souhaitant le bonsoir à la compagnie.

— Calyste est bien changé, dit mademoiselle de Pen-Hoël.

— Nous n’avons pas de belles robes garnies de dentelles, nous n’agitons pas nos manches comme ça, nous ne nous posons pas ainsi, nous ne savons pas regarder de côté, tourner la tête, dit Charlotte en imitant et chargeant les airs, la pose et les regards de la marquise. Nous n’avons pas une voix qui part de la tête, ni cette petite toux intéressante, heu ! heu ! qui semble être le soupir d’une ombre ; nous avons le malheur d’avoir une santé robuste et d’aimer nos amis sans coquetterie ; quand nous les regardons nous n’avons pas l’air de les piquer d’un dard ou de les examiner par un coup d’œil hypocrite. Nous ne savons pas pencher la tête en saule pleureur et paraître aimables en la relevant ainsi !

Mademoiselle de Pen-Hoël ne put s’empêcher de rire en voyant