cile. D’un seul bond, elle s’élança dans les froids calculs de l’indifférence. Pour sauver sa fille, elle devina tout à coup les perfidies, les mensonges des créatures qui n’aiment pas, les tromperies de la coquetterie, et ces ruses atroces qui font haïr si profondément la femme chez qui les hommes supposent alors des corruptions innées. À l’insu de Julie, sa vanité féminine, son intérêt et un vague désir de vengeance s’accordèrent avec son amour maternel pour la faire entrer dans une voie où de nouvelles douleurs l’attendaient. Mais elle avait l’âme trop belle, l’esprit trop délicat, et surtout trop de franchise pour être long-temps complice de ces fraudes. Habituée à lire en elle-même, au premier pas dans le vice, car ceci était du vice, le cri de sa conscience devait étouffer celui des passions et de l’égoïsme. En effet, chez une jeune femme dont le cœur est encore pur, et où l’amour est resté vierge, le sentiment de la maternité même est soumis à la voix de la pudeur. La pudeur n’est-elle pas toute la femme ? Mais Julie ne voulut apercevoir aucun danger, aucune faute dans sa nouvelle vie. Elle vint chez madame de Sérizy. Sa rivale comptait voir une femme pâle, languissante ; la marquise avait mis du rouge, et se présenta dans tout l’éclat d’une parure qui rehaussait encore sa beauté. Madame la comtesse de Sérizy était une de ces femmes qui prétendent exercer à Paris une sorte d’empire sur la mode et sur le monde ; elle dictait des arrêts qui, reçus dans le cercle où elle régnait, lui semblaient universellement adoptés ; elle avait la prétention de faire des mots ; elle était souverainement jugeuse. Littérature, politique, hommes et femmes, tout subissait sa censure ; et madame de Sérizy semblait défier celle des autres. Sa maison était, en toute chose, un modèle de bon goût. Au milieu de ces salons remplis de femmes élégantes et belles, Julie triompha de la comtesse. Spirituelle, vive, sémillante, elle eut autour d’elle les hommes les plus distingués de la soirée. Pour le désespoir des femmes, sa toilette était irréprochable, et toutes lui envièrent une coupe de robe, une forme de corsage dont l’effet fut attribué généralement à quelque génie de couturière inconnue, car les femmes aiment mieux croire à la science des chiffons qu’à la grâce et à la perfection de celles qui sont faites de manière à les bien porter. Lorsque Julie se leva pour aller au piano chanter la romance de Desdémone, les hommes accoururent de tous les salons pour entendre cette célèbre voix, muette depuis si long-temps, et il se fit un profond silence. La marquise éprouva
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