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— Il est arrivé une grande dame, une marquise aux Touches, et il court après ! Bah ! c’est de son âge, dit Mariotte.

— Elles nous le tueront, dit mademoiselle du Guénic.

— Ça ne le tuera pas, mademoiselle ; au contraire, répondit Mariotte qui paraissait heureuse du bonheur de Calyste.

Calyste allait d’un train à crever son cheval, lorsque Gasselin demanda fort heureusement à son maître s’il voulait arriver avant le départ du bateau, ce qui n’était nullement son dessein ; il ne désirait se faire voir ni à Conti ni à Claude. Le jeune homme ralentit alors le pas de son cheval, et se mit à regarder complaisamment les doubles raies tracées par les roues de la calèche sur les parties sablonneuses de la route. Il était d’une gaieté folle à cette seule pensée : elle a passé par là, elle reviendra par là, ses regards se sont arrêtés sur ces bois, sur ces arbres ! — Le charmant chemin, dit-il à Gasselin.

— Ah ! monsieur, la Bretagne est le plus beau pays du monde, répondit le domestique. Y a-t-il autre part des fleurs dans les haies et des chemins frais qui tournent comme celui-là ?

— Dans aucun pays, Gasselin.

— Voilà la voiture à Bernus, dit Gasselin.

— Mademoiselle de Pen-Hoël et sa nièce y seront : cachons-nous, dit Calyste.

— Ici, monsieur. Êtes-vous fou ? Nous sommes dans les sables.

La voiture, qui montait en effet une côte assez sablonneuse au-dessus de Saint-Nazaire, apparut aux regards de Calyste dans la naïve simplicité de sa construction bretonne. Au grand étonnement de Calyste, la voiture était pleine.

— Nous avons laissé mademoiselle de Pen-Hoël, sa sœur et sa nièce, qui se tourmentent ; toutes les places étaient prises par la douane, dit le conducteur à Gasselin.

— Je suis perdu ! s’écria Calyste.

En effet la voiture était remplie d’employés qui sans doute allaient relever ceux des marais salants. Quand Calyste arriva sur la petite esplanade qui tourne autour de l’église de Saint-Nazaire, et d’où l’on découvre Paimbœuf et la majestueuse embouchure de la Loire luttant avec la mer, il y trouva Camille et la marquise agitant leurs mouchoirs pour dire un dernier adieu aux deux passagers qu’emportait le bateau à vapeur. Béatrix était ravissante ainsi : le visage adouci par le reflet d’un chapeau de paille de riz sur lequel étaient