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— Et deux messieurs, devant, reprit Gasselin.

— Selle le cheval de mon père, cours après, arrive à Saint-Nazaire au moment où le bateau part pour Paimbœuf, et si les deux hommes s’embarquent, accours me le dire à bride abattue.

Gasselin sortit.

— Mon neveu, vous avez le diable au corps, dit la vieille Zéphirine.

— Laissez-le donc s’amuser, ma sœur, s’écria le baron, il était triste comme un hibou, le voilà gai comme un pinson.

— Vous lui avez peut-être dit que notre chère Charlotte arrive, s’écria la vieille fille en se tournant vers sa belle-sœur.

— Non, répondit la baronne.

— Je croyais qu’il voulait aller au-devant d’elle, dit malicieusement mademoiselle du Guénic.

— Si Charlotte reste trois mois chez sa tante, il a bien le temps de la voir, répondit la baronne.

— Oh ! ma sœur, que s’est-il donc passé depuis hier ? demanda la vieille fille. Vous étiez si heureuse de savoir que mademoiselle de Pen-Hoël allait ce matin nous chercher sa nièce.

— Jacqueline veut me faire épouser Charlotte pour m’arracher à la perdition, ma tante, dit Calyste en riant et lançant à sa mère un coup d’œil d’intelligence. J’étais sur le mail quand mademoiselle de Pen-Hoël parlait à monsieur du Halga, mais elle n’a pas pensé que ce serait une bien plus grande perdition pour moi de me marier à mon âge.

— Il est écrit là haut, s’écria la vieille fille en interrompant Calyste, que je ne mourrai ni tranquille ni heureuse. J’aurais voulu voir notre famille continuée, et quelques-unes de nos terres rachetées, il n’en sera rien. Peux-tu, mon beau neveu, mettre quelque chose en balance avec de tels devoirs ?

— Mais, dit le baron, est-ce que mademoiselle des Touches empêchera Calyste de se marier quand il le faudra ? Je dois l’aller voir.

— Je puis vous assurer, mon père, que Félicité ne sera jamais un obstacle à mon mariage.

— Je n’y vois plus clair, dit la vieille aveugle qui ne savait rien de la subite passion de son neveu pour la marquise de Rochegude.

La mère garda le secret à son fils ; en cette matière le silence est instinctif chez toutes les femmes. La vieille fille tomba dans une profonde méditation, écoutant de toutes ses forces, épiant les voix