avec Camille ; il l’avait rencontrée à cheval, et son désir était né comme à l’aspect d’une belle fleur qu’il eût voulu cueillir. Ces incertitudes composent comme des poèmes chez les âmes timides. Échauffées par les premières flammes de l’imagination, ces âmes se soulèvent, se courroucent, s’apaisent, s’animent tour à tour, et arrivent dans le silence et la solitude au plus haut degré de l’amour, avant d’avoir abordé l’objet de tant d’efforts. Calyste aperçut de loin sur le mail le chevalier du Halga qui se promenait avec mademoiselle de Pen-Hoël, il entendit prononcer son nom, il se cacha. Le chevalier et la vieille fille, se croyant seuls sur le mail, y parlaient à haute voix.
— Puisque Charlotte de Kergarouët vient, disait le chevalier, gardez-la trois ou quatre mois. Comment voulez-vous qu’elle soit coquette avec Calyste ? elle ne reste jamais assez longtemps pour l’entreprendre ; tandis qu’en se voyant tous les jours, ces deux enfants finiront par se prendre de belle passion, et vous les marierez l’hiver prochain. Si vous dites deux mots de vos intentions à Charlotte, elle en aura bientôt dit quatre à Calyste, et une jeune fille de seize ans aura certes raison d’une femme de quarante et quelques années.
Les deux vieilles gens se retournèrent pour revenir sur leurs pas ; Calyste n’entendit plus rien, mais il avait compris l’intention de mademoiselle de Pen-Hoël. Dans la situation d’âme où il était, rien ne devait être plus fatal. Est-ce au milieu des espérances d’un amour préconçu qu’un jeune homme accepte pour femme une jeune fille imposée ? Calyste, à qui Charlotte de Kergarouët était indifférente, se sentit disposé à la rebuter. Il était inaccessible aux considérations de fortune, il avait depuis son enfance accoutumé sa vie à la médiocrité de la maison paternelle, et d’ailleurs il ignorait les richesses de mademoiselle de Pen-Hoël en lui voyant mener une vie aussi pauvre que celle des du Guénic. Enfin, un jeune homme élevé comme l’était Calyste ne devait faire cas que des sentiments, et sa pensée tout entière appartenait à la marquise. Devant le portrait que lui avait dessiné Camille, qu’était la petite Charlotte ? la compagne de son enfance qu’il traitait comme une sœur. Il ne revint au logis que vers cinq heures. Quand il entra dans la salle, sa mère lui tendit avec un sourire triste une lettre de mademoiselle des Touches.
« Mon cher Calyste, la belle marquise de Rochegude est venue,