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tements à donner n’ont eu d’abord que le strict nécessaire. Le luxe artistique qu’elle avait demandé à Paris fut réservé pour son appartement. Elle voulut avoir dans cette sombre et mélancolique habitation, devant ce sombre et mélancolique paysage, les créations les plus fantasques de l’art. Son petit salon est tendu de belles tapisseries des Gobelins, encadrées des plus merveilleux cadres sculptés. Aux fenêtres se drapent les étoffes les plus lourdes du vieux temps, un magnifique brocart à doubles reflets, or et rouge, jaune et vert, qui foisonne en plis vigoureux, orné de franges royales, de glands dignes des plus splendides dais de l’église. Ce salon est rempli par un bahut que lui trouva son homme d’affaires et qui vaut aujourd’hui sept ou huit mille francs, par une table en ébène sculpté, par un secrétaire aux mille tiroirs, incrusté d’arabesques en ivoire, et venu de Venise, enfin par les plus beaux meubles gothiques. Il s’y trouve des tableaux, des statuettes, tout ce qu’un peintre de ses amis put choisir de mieux chez les marchands de curiosités qui, en 1818, ne se doutaient pas du prix qu’acquerraient plus tard ces trésors. Elle a mis sur ses tables de beaux vases du Japon aux dessins fantasques. Le tapis est un tapis de Perse entré par les dunes en contrebande. Sa chambre est dans le goût du siècle de Louis XV et d’une parfaite exactitude. C’est bien le lit de bois sculpté, peint en blanc, à dossiers cintrés, surmontés d’Amours se jetant des fleurs, rembourrés, garnis de soie brochée, avec le ciel orné de quatre bouquets de plumes ; la tenture en vraie perse, agencée avec des ganses de soie, des cordes et des nœuds ; la garniture de cheminée en rocaille ; la pendule d’or moulu, entre deux grands vases du premier bleu de Sèvres, montés en cuivre doré ; la glace encadrée dans le même goût ; la toilette Pompadour avec ses dentelles et sa glace ; puis ces meubles si contournés, ces duchesses, cette chaise longue, ce petit canapé sec, la chauffeuse à dossier matelassé, le paravent de laque, les rideaux de soie pareille à celle du meuble, doublés de satin rose et drapés par des cordes à puits ; le tapis de la Savonnerie ; enfin toutes les choses élégantes, riches, somptueuses, délicates, au milieu desquelles les jolies femmes du dix-huitième siècle faisaient l’amour. Le cabinet, entièrement moderne, oppose aux galanteries du siècle de Louis XV un charmant mobilier d’acajou : sa bibliothèque est pleine, il ressemble à un boudoir, il a un divan. Les charmantes futilités de la femme l’encombrent, y occupent le regard d’œuvres