aujourd’hui quand je lui dirai que je vous laisse aller à Paris sans moi, tu verras sur sa figure, quelle que soit la peine qu’il prendra pour la dissimuler, une joie intérieure.
— Pourquoi ? demanda Natalie.
— Pourquoi ? chère enfant ! Je suis comme saint Jean Bouche-d’Or, je le lui dirai à lui-même, et devant toi.
— Mais si je me marie à la seule condition de ne te pas quitter ? dit Natalie.
— Notre séparation est devenue nécessaire, reprit madame Évangélista, car plusieurs considérations modifient mon avenir. Je suis ruinée. Vous aurez la plus brillante existence à Paris, je ne saurais y être convenablement sans manger le peu qui me reste ; tandis qu’en vivant à Lanstrac, j’aurai soin de vos intérêts et referai ma fortune à force d’économies.
— Toi, maman, faire des économies ? s’écria railleusement Natalie. Ne deviens donc pas déjà grand’mère. Comment, tu me quitterais pour de semblables motifs ? Chère mère, Paul peut te sembler un petit peu bête, mais il n’est pas le moins du monde intéressé…
— Ah ! répondit madame Évangélista d’un son de voix gros d’observations et qui fit palpiter Natalie, la discussion du contrat m’a rendue défiante et m’inspire quelques doutes. Mais sois sans inquiétudes, chère enfant, dit-elle en prenant sa fille par le cou et l’amenant à elle pour l’embrasser, je ne te laisserai pas longtemps seule. Quand mon retour parmi vous ne causera plus d’ombrage, quand Paul m’aura jugée, nous reprendrons notre bonne petite vie, nos causeries du soir…
— Comment, ma mère, tu pourras vivre sans ta Ninie ?
— Oui, cher ange, parce que je vivrai pour toi. Mon cœur de mère ne sera-t-il pas sans cesse satisfait par l’idée que je contribue, comme je le dois, à votre double fortune ?
— Mais, chère adorable mère, vais-je donc être seule avec Paul, là, tout de suite ? Que deviendrai-je ? comment cela se passera-t-il ? que dois-je faire, que dois-je ne pas faire ?
— Pauvre petite, crois-tu que je veuille ainsi t’abandonner à la première bataille ? Nous nous écrirons trois fois par semaine comme deux amoureux, et nous serons ainsi sans cesse au cœur l’une de l’autre. Il ne t’arrivera rien que je ne le sache, et je te garantirai de tout malheur. Puis il serait trop ridicule que je ne vinsse pas vous