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de sa fille, leur maison aurait au delà de cent mille francs à dépenser par an ; ainsi toutes ses prévisions d’existence heureuse se réalisaient.

— La belle-mère me paraît être une excellente femme, se dit-il encore sous le charme des patelineries par lesquelles madame Évangélista s’était efforcée de dissiper les nuages élevés par la discussion. Mathias se trompe. Ces notaires sont singuliers, ils enveniment tout. Le mal est venu de ce petit ergoteur de Solonet, qui a voulu faire l’habile.

Pendant que Paul se couchait en récapitulant les avantages qu’il avait remportés dans cette soirée, madame Évangélista s’attribuait également la victoire.

— Eh ! bien, mère chérie, es-tu contente ? dit Natalie en suivant sa mère dans sa chambre à coucher.

— Oui, mon amour, répondit la mère, tout a réussi selon mes désirs, et je me sens un poids de moins sur les épaules qui ce matin m’écrasait. Paul est une excellente pâte d’homme. Ce cher enfant, oui certes ! nous lui ferons une belle existence. Tu le rendras heureux, et moi je me charge de sa fortune politique. L’ambassadeur d’Espagne est un de mes amis, je vais renouer avec lui, comme avec toutes mes connaissances. Oh ! nous serons bientôt au cœur des affaires, tout sera joie pour nous. À vous les plaisirs, chers enfants ; à moi les dernières occupations de la vie, le jeu de l’ambition. Ne t’effraie pas de me voir vendre mon hôtel, crois-tu que nous revenions jamais à Bordeaux ? à Lanstrac ? oui. Mais nous irons passer tous les hivers à Paris, où sont maintenant nos véritables intérêts. Eh ! bien, Natalie, était-il si difficile de faire ce que je te demandais ?

— Ma petite mère, par moments, j’avais honte.

— Solonet me conseille de mettre mon hôtel en rente viagère, se dit madame Évangélista, mais il faut faire autrement, je ne veux pas t’enlever un liard de ma fortune.

— Je vous ai vus tous bien en colère, dit Natalie. Comment cette tempête s’est-elle donc apaisée ?

— Par l’offre de mes diamants, répondit madame Évangélista. Solonet avait raison. Avec quel talent il a conduit l’affaire. Mais, dit-elle, prends donc mon écrin, Natalie ! Je ne me suis jamais sérieusement demandé ce que valent ces diamants. Quand je disais cent mille francs, j’étais folle. Madame de Gyas ne prétendait-elle