Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sais rien de plus sottement bourgeois que de dépenser cent mille francs à une corbeille de laquelle il ne subsiste rien un jour qu’un vieux coffre en satin blanc. Au contraire, cinq mille francs par an attribués à la toilette évitent mille soucis à une jeune femme, et lui restent pendant toute la vie. D’ailleurs l’argent d’une corbeille sera nécessaire à l’arrangement de votre hôtel à Paris. Nous reviendrons à Lanstrac au printemps, car pendant l’hiver Solonet aura liquidé mes affaires.

— Tout est pour le mieux, dit Paul au comble du bonheur.

— Je verrai donc Paris, s’écria Natalie avec un accent qui aurait justement effrayé un de Marsay.

— Si nous nous arrangeons ainsi, dit Paul, je vais écrire à de Marsay de me prendre une loge aux Italiens et à l’Opéra pour l’hiver.

— Vous êtes bien aimable, je n’osais pas vous le demander, dit Natalie. Le mariage est une institution fort agréable, si elle donne aux maris le talent de deviner les désirs de leurs femmes.

— Ce n’est pas autre chose, dit Paul, mais il est minuit, il faut partir.

— Pourquoi si tôt aujourd’hui ? dit madame Évangélista qui déploya les câlineries auxquelles les hommes sont si sensibles.

Quoique tout se fût passé dans les meilleurs termes, et selon les lois de la plus exquise politesse, l’effet de la discussion de ces intérêts avait néanmoins jeté chez le gendre et chez la belle-mère un germe de défiance et d’inimitié prêt à lever au premier feu d’une colère ou sous la chaleur d’un sentiment trop violemment heurté. Dans la plupart des familles, la constitution des dots et les donations à faire au contrat de mariage engendrent ainsi des hostilités primitives, soulevées par l’amour-propre, par la lésion de quelques sentiments, par le regret des sacrifices et par l’envie de les diminuer. Ne faut-il pas un vainqueur et un vaincu, lorsqu’il s’élève une difficulté ? Les parents des futurs essaient de conclure avantageusement cette affaire à leurs yeux purement commerciale, et qui comporte les ruses, les profits, les déceptions du négoce. La plupart du temps le mari seul est initié dans les secrets de ces débats, et la jeune épouse reste, comme le fut Natalie, étrangère aux stipulations qui la font ou riche ou pauvre. En s’en allant, Paul pensait que, grâce à l’habileté de son notaire, sa fortune était presque entièrement garantie de toute ruine. Si madame Évangélista ne se séparait point