voulez, prenez-la ! Mais je désirerais voir manquer ce mariage sans qu’il y eût le moindre tort de votre côté.
— Pourquoi ?
— Cette fille dépenserait le Pérou. Puis elle monte à cheval comme un écuyer du Cirque, elle est quasiment émancipée : ces sortes de filles font de mauvaises femmes.
Paul serra la main de maître Mathias, et lui dit en prenant un petit air fat : — Soyez tranquille ! Mais, pour le moment, que dois-je faire ?
— Tenez ferme à ces conditions ; ils y consentiront, car elles ne blessent aucun intérêt. D’ailleurs madame Évangélista ne veut que marier sa fille, j’ai vu dans son jeu, défiez-vous d’elle.
Paul rentra dans le salon, où il vit sa belle-mère causant à voix basse avec Solonet, comme il venait de causer avec Mathias. Mise en dehors de ces deux conférences mystérieuses, Natalie jouait avec son écran. Assez embarrassée d’elle-même, elle se demandait : — Par quelle bizarrerie ne me dit-on rien de mes affaires ?
Le jeune notaire saisissait en gros l’effet lointain d’une stipulation basée sur l’amour-propre des parties, et dans laquelle sa cliente avait donné tête baissée. Mais si Mathias n’était plus que notaire, Solonet était encore un peu homme, et portait dans les affaires un amour-propre juvénile. Il arrive souvent ainsi que la vanité personnelle fait oublier à un jeune homme l’intérêt de son client. En cette circonstance, maître Solonet, qui ne voulut pas laisser croire à la veuve que Nestor battait Achille, lui conseillait d’en finir promptement sur ces bases. Peu lui importait la future liquidation de ce contrat ; pour lui, les conditions de la victoire étaient madame Évangélista libérée, son existence assurée, Natalie mariée.
— Bordeaux saura que vous donnez environ onze cent mille francs à Natalie, et qu’il vous reste vingt-cinq mille livres de rentes, dit Solonet à l’oreille de madame Évangélista. Je ne croyais pas obtenir un si beau résultat.
— Mais, dit-elle, expliquez-moi donc pourquoi la création de ce majorat apaise si promptement l’orage ?
— Défiance de vous et de votre fille. Un majorat est inaliénable : aucun des époux n’y peut toucher.
— Ceci est positivement injurieux.
— Non. Nous appelons cela de la prévoyance. Le bonhomme vous a pris dans un piége. Refusez de constituer ce majorat ; il nous dira :