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— Ma belle dame, ceci n’est rien, dit maître Solonet en prenant un air avantageux quand madame Évangélista lui eut donné des chiffres exacts. Comment vous êtes-vous tenue avec monsieur de Manerville ? Ici les questions morales dominent les questions de droit et de finance.

Madame Évangélista se drapa dans sa supériorité. Le jeune notaire apprit avec un vif plaisir que jusqu’à ce jour sa cliente avait gardé dans ses relations avec Paul la plus haute dignité ; que, moitié fierté sérieuse, moitié calcul involontaire, elle avait agi constamment comme si le comte de Manerville lui était inférieur, comme s’il y avait pour lui de l’honneur à épouser mademoiselle Évangélista ; ni elle ni sa fille ne pouvaient être soupçonnées d’avoir des vues intéressées ; leurs sentiments paraissaient purs de toute mesquinerie ; à la moindre difficulté financière soulevée par Paul, elles avaient le droit de s’envoler à une distance incommensurable ; enfin, elle avait sur son futur gendre un ascendant insurmontable.

— Cela étant ainsi, dit Solonet, quelles sont les dernières concessions que vous vouliez faire ?

— J’en veux faire le moins possible, dit-elle en riant.

— Réponse de femme, s’écria Solonet. Madame, tenez-vous à marier mademoiselle Natalie ?

— Oui.

— Vous voulez quittance des onze cent cinquante-six mille francs desquels vous serez reliquataire d’après le compte de tutelle à présenter au susdit gendre ?

— Oui.

— Que voulez-vous garder ?

— Trente mille livres de rente au moins, répondit-elle.

— Il faut vaincre ou périr ?

— Oui.

— Eh ! bien, je vais réfléchir aux moyens nécessaires pour atteindre à ce but, car il nous faut beaucoup d’adresse et ménager nos forces. Je vous donnerai quelques instructions en arrivant ; exécutez-les ponctuellement, et je puis déjà vous prédire un succès complet. — Le comte Paul aime-t-il mademoiselle Natalie ? demanda-t-il en se levant.

— Il l’adore.