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beauté de sa fille pour imposer des conditions et ne vous laisser que ce qu’elle ne peut pas vous ôter, la fortune du père. Nous autres vieilles gens, nous tenons fort au : Qu’a-t-il ? Qu’a-t-elle ? Je vous engage à donner de bonnes instructions à votre notaire. Le contrat, mon enfant, est le plus saint des devoirs. Si votre père et votre mère n’avaient pas bien fait leur lit, vous seriez peut-être aujourd’hui sans draps. Vous aurez des enfants, c’est les suites les plus communes du mariage, il y faut donc penser. Voyez maître Mathias, notre vieux notaire.

Madame de Maulincour partit après avoir plongé Paul en d’étranges perplexités. Sa belle-mère était une fine mouche ! Il fallait débattre ses intérêts au contrat et nécessairement les défendre : qui donc allait les attaquer ? Il suivit le conseil de sa tante, et confia le soin de rédiger son contrat à maître Mathias. Mais ces débats pressentis le préoccupèrent. Aussi n’entra-t-il pas sans une émotion vive chez madame Évangélista, à laquelle il venait annoncer ses intentions. Comme tous les gens timides, il tremblait de laisser deviner les défiances que sa tante lui avait suggérées et qui lui semblaient insultantes. Pour éviter le plus léger froissement avec une personne aussi imposante que l’était pour lui sa future belle-mère, il inventa de ces circonlocutions naturelles aux personnes qui n’osent pas aborder de front les difficultés.

— Madame, dit-il en prenant un moment où Natalie s’absenta, vous savez ce qu’est un notaire de famille : le mien est un bon vieillard pour qui ce serait un véritable chagrin que de ne pas être chargé de mon contrat de…

— Comment donc, mon cher ! lui répondit en l’interrompant madame Évangélista ; mais nos contrats de mariage ne se font-ils pas toujours par l’intervention du notaire de chaque famille ?

Le temps pendant lequel Paul était resté sans entamer cette question, madame Évangélista l’avait employé à se demander : « À quoi pense-t-il ? » car les femmes possèdent à un haut degré la connaissance des pensées intimes par le jeu des physionomies. Elle devina les observations de la grand’tante dans le regard embarrassé, dans le son de voix émue qui trahissaient en Paul un combat intérieur.

— Enfin, se dit-elle en elle-même, le jour fatal est arrivé, la crise commence, quel en sera le résultat ? — Mon notaire est monsieur Solonet, dit-elle après une pause, le vôtre est monsieur Mathias, je les inviterai à venir dîner demain, et ils s’entendront sur