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plus me parler que d’amour conjugal, je crois, dans l’intérêt bien entendu de notre double existence, qu’il est nécessaire que je reste fille, et que j’aie quelque belle passion, pour que nous connaissions bien la vie. Raconte-moi très exactement tout ce qui t’arrivera, surtout dans les premiers jours, avec cet animal que je nomme un mari. Je te promets la même exactitude, si jamais je suis aimée. Adieu, pauvre chérie engloutie.




XI

MADAME DE L’ESTORADE À MADEMOISELLE DE CHAULIEU.


À la Crampade.

Ton Espagnol et toi, vous me faites frémir, ma chère mignonne. Je t’écris ce peu de lignes pour te prier de le congédier. Tout ce que tu m’en dis se rapporte au caractère le plus dangereux de ceux de ces gens-là qui, n’ayant rien à perdre, risquent tout. Cet homme ne doit pas être ton amant et ne peut pas être ton mari. Je t’écrirai plus en détail sur les événements secrets de mon mariage, mais quand je n’aurai plus au cœur l’inquiétude que ta dernière lettre m’y a mise.




XII

MADEMOISELLE DE CHAULIEU À MADAME DE L’ESTORADE.


Février.

Ma belle biche, ce matin à neuf heures, mon père s’est fait annoncer chez moi, j’étais levée et habillée ; je l’ai trouvé gravement assis au coin de mon feu dans mon salon, pensif au delà de son habitude ; il m’a montré la bergère en face de lui, je l’ai compris, et m’y suis plongée avec une gravité qui le singeait si bien, qu’il s’est