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tution. Marie et moi nous obéissions aux convenances et aux vœux de nos pères. Vous êtes beau comme un enfant de l’amour, je suis laid comme un grand d’Espagne ; vous êtes aimé, je suis l’objet d’une répugnance inavouée ; vous aurez bientôt vaincu le peu de résistance que mon malheur inspirera peut-être à cette noble Espagnole. Duc de Soria, votre prédécesseur ne veut ni vous coûter un regret ni vous priver d’un maravédi. Comme les joyaux de Marie peuvent réparer le vide que les diamants de ma mère feront dans votre maison, vous m’enverrez ces diamants, qui suffiront pour assurer l’indépendance de ma vie, par ma nourrice, la vieille Urraca, la seule personne que je veuille conserver des gens de ma maison : elle seule sait bien préparer mon chocolat.

Durant notre courte révolution, mes constants travaux avaient réduit ma vie au nécessaire, et les appointements de ma place y pourvoyaient. Vous trouverez les revenus de ces deux dernières années entre les mains de votre intendant. Cette somme est à moi : le mariage d’un duc de Soria occasionne de grandes dépenses, nous la partagerons donc. Vous ne refuserez pas le présent de noces de votre frère le bandit. D’ailleurs, telle est ma volonté. La baronnie de Macumer n’étant pas sous la main du roi d’Espagne, elle me reste et me laisse la faculté d’avoir une patrie et un nom, si, par hasard, je voulais devenir quelque chose.

Dieu soit loué, voici les affaires finies, la maison de Soria est sauvée !

Au moment où je ne suis plus que baron de Macumer, les canons français annoncent l’entrée du duc d’Angoulême. Vous comprendrez, monsieur, pourquoi j’interromps ici ma lettre…


Octobre.

En arrivant ici, je n’avais pas dix quadruples. Un homme d’État n’est-il pas bien petit quand, au milieu des catastrophes qu’il n’a pas empêchées, il montre une prévoyance égoïste ? Aux Maures vaincus, un cheval et le désert ; aux chrétiens trompés dans leurs espérances, le couvent et quelques pièces d’or. Cependant, ma résignation n’est encore que de la lassitude. Je ne suis point assez près du monastère pour ne pas songer à vivre. Ozalga m’avait, à tout hasard, donné des lettres de recommandation parmi lesquelles il s’en trouvait une pour un libraire qui est à nos compatriotes ce que Galignani est ici aux Anglais. Cet homme m’a procuré huit éco-