pour autrui, jamais pour lui semblable à ces avocats qui font mal leurs propres affaires, était sublime dans ces discussions privées. Il conseilla donc à Nathan de ne pas apostasier brusquement.
— Napoléon l’a dit, on ne fait pas de jeunes républiques avec de vieilles monarchies. Ainsi, mon cher, deviens le héros, le créateur du centre gauche de la future chambre, et tu arriveras fin politique. Une fois admis, une fois dans le gouvernement, on est ce qu’on veut, on est de toutes les opinions qui triomphent !
Nathan décida de créer un journal politique quotidien, d’y être le maître absolu, de rattacher à ce journal un des petits journaux qui foisonnaient dans la Presse, et d’établir des ramifications avec une Revue. La Presse avait été le moyen de tant de fortunes faites autour de lui, que Nathan n’écouta pas l’avis de Blondet, qui lui dit de ne pas s’y fier. Blondet lui représenta la spéculation comme mauvaise, tant alors était grand le nombre des journaux qui se disputaient les abonnés, tant la presse lui semblait usée. Raoul, fort de ses prétendues amitiés et son courage, s’élança plein d’audace ; il se leva par un mouvement orgueilleux et dit : — Je réussirai !
— Tu n’as pas le sou !
— Je ferai un drame !
— Il tombera.
— Eh ! bien, il tombera, dit Nathan.
Il parcourut, suivi de Blondet, qui le croyait fou, l’appartement de Florine ; regarda d’un œil avide les richesses qui y étaient entassées. Blondet le comprit alors.
— Il y a là cent et quelques mille francs, dit Émile.
— Oui, dit en soupirant Raoul devant le somptueux lit de Florine ; mais j’aimerais mieux être toute ma vie marchand de chaînes de sûreté sur le boulevard et vivre de pommes de terre frites que de vendre une patère de cet appartement.
— Pas une patère, dit Blondet, mais tout ! l’ambition est comme la mort, elle doit mettre sa main sur tout, elle sait que la vie la talonne.
— Non ! cent fois non ! J’accepterais tout de la comtesse d’hier, mais ôter à Florine sa coquille ?…
— Renverser son hôtel des monnaies dit Blondet d’un air tragique, casser le balancier, briser le coin, c’est grave.