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de son égoïsme. Les révoltes et les pleurs que notre sexe a élevés et jetés dans ces derniers temps avec tant d’éclat sont des niaiseries qui nous méritent le nom d’enfants que tant de philosophes nous ont donné.

Elle a continué de parler ainsi de sa voix douce que tu connais, en disant les choses les plus sensées de la manière la plus élégante, jusqu’à ce que Gaston entrât, amenant de Paris sa belle-sœur, les deux enfants et la bonne anglaise que Louise l’avait prié d’aller chercher.

— Voilà mes jolis bourreaux, a-t-elle dit en voyant ses deux neveux. Ne pouvais-je pas m’y tromper ? Comme ils ressemblent à leur oncle !

Elle a été charmante pour madame Gaston l’aînée, qu’elle a priée de se regarder au Chalet comme chez elle, et elle lui en a fait les honneurs avec ces façons à la Chaulieu qu’elle possède au plus haut degré.

J’ai sur-le-champ écrit à la duchesse et au duc de Chaulieu, au duc de Rhétoré et au duc de Lenoncourt-Chaulieu, ainsi qu’à Madeleine. J’ai bien fait. Le lendemain, fatiguée de tant d’efforts, Louise n’a pu se promener ; elle ne s’est même levée que pour assister au dîner. Madeleine de Lenoncourt, ses deux frères et sa mère sont venus dans la soirée. Le froid que le mariage de Louise avait mis entre elle et sa famille s’est dissipé. Depuis cette soirée, les deux frères et le père de Louise sont venus à cheval tous les matins, et les deux duchesses passent au Chalet toutes leurs soirées. La mort rapproche autant qu’elle sépare, elle fait taire les passions mesquines. Louise est sublime de grâce, de raison, de charme, d’esprit et de sensibilité. Jusqu’au dernier moment elle montre ce goût qui l’a rendue si célèbre, et nous dispense les trésors de cet esprit qui faisait d’elle une des reines de Paris.

— Je veux être jolie jusque dans mon cercueil, m’a-t-elle dit avec ce sourire qui n’est qu’à elle, en se mettant au lit pour y languir ces quinze jours-ci.

Dans sa chambre il n’y a pas trace de maladie : les boissons, les gommes, tout l’appareil médical est caché.

— N’est-ce pas que je fais une belle mort ? disait-elle hier au curé de Sèvres, à qui elle a donné sa confiance.

Nous jouissons tous d’elle en avares. Gaston, que tant d’inquiétudes, tant de clartés affreuses ont préparé, ne manque pas de