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de Sion à Brigg, et qui m’a tant séduite à mon retour d’Italie. À l’intérieur, son élégance défie celle des chalets les plus illustres. À cent pas de cette habitation rustique, une charmante maison qui fait fabrique communique au chalet par un souterrain et contient la cuisine, les communs, les écuries et les remises. De toutes ces constructions en briques, l’œil ne voit qu’une façade d’une simplicité gracieuse et entourée de massifs. Le logement des jardiniers forme une autre fabrique et masque l’entrée des vergers et des potagers.

La porte de cette propriété, cachée dans le mur qui sert d’enceinte du côté des bois, est presque introuvable. Les plantations, déjà grandes, dissimuleront complétement les maisons en deux ou trois ans. Le promeneur ne devinera nos habitations qu’en voyant la fumée des cheminées du haut des collines, ou dans l’hiver quand les feuilles seront tombées.

Mon chalet est construit au milieu d’un paysage copié sur ce qu’on appelle le jardin du roi à Versailles, mais il a vue sur mon étang et sur mon île. De toutes parts les collines montrent leurs masses de feuillage, leurs beaux arbres si bien soignés par la nouvelle liste civile. Mes jardiniers ont l’ordre de ne cultiver autour de moi que des fleurs odorantes et par milliers, en sorte que ce coin de terre est une émeraude parfumée. Le Chalet, garni d’une vigne vierge qui court sur le toit, est exactement empaillé de plantes grimpantes, de houblon, de clématite, de jasmin, d’azaléa, de cobæa. Qui distinguera nos fenêtres pourra se vanter d’avoir une bonne vue !

Ce chalet, ma chère, est une belle et bonne maison, avec son calorifère et tous les emménagements qu’a su pratiquer l’architecture moderne, qui fait des palais dans cent pieds carrés. Elle contient un appartement pour Gaston et un appartement pour moi. Le rez-de-chaussée est pris par une antichambre, un parloir et une salle à manger. Au-dessus de nous se trouvent trois chambres destinées à la nourricerie. J’ai cinq beaux chevaux, un petit coupé léger et un mylord à deux chevaux ; car nous sommes à quarante minutes de Paris ; quand il nous plaira d’aller entendre un opéra, de voir une pièce nouvelle, nous pourrons partir après le dîner et revenir le soir dans notre nid. La route est belle et passe sous les ombrages de notre haie de clôture. Mes gens, mon cuisinier, mon cocher, le palefrenier, les jardiniers, ma femme de chambre sont de fort honnêtes personnes que j’ai cherchées pendant ces six derniers