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le, ma mère ! Lui avez-vous, oui ou non, jeté cette phrase à la tête ?

— Oui, dit Philomène.

— Eh ! bien, je la connais, reprit monsieur de Grancey, dans quelques mois elle sera comtesse de Soulas ! Elle aura, certes, des enfants, elle donnera quarante mille francs de rentes à monsieur de Soulas ; en outre, elle lui fera des avantages, et réduira votre part dans ses biens-fonds autant qu’elle pourra. Vous serez pauvre pendant toute sa vie, et elle n’a que trente-huit ans ! Vous aurez pour tout bien la terre des Rouxey et le peu de droits que vous laissera la liquidation de la succession de votre père, si toutefois votre mère consent à se départir de ses droits sur les Rouxey ! Sous le rapport des intérêts matériels, vous avez déjà bien mal arrangé votre vie ; sous le rapport des sentiments, je la crois bouleversée… Au lieu d’être venue à votre mère…

Philomène fit un sauvage mouvement de tête.

— À votre mère, reprit le vicaire-général, et à la Religion qui vous auraient, au premier mouvement de votre cœur, éclairée, conseillée, guidée ; vous avez voulu vous conduire seule, ignorant la vie et n’écoutant que la passion !

Ces paroles si sages épouvantèrent Philomène.

— Et que dois-je faire ? dit-elle après une pause.

— Pour réparer vos fautes, il faudrait en connaître l’étendue, demanda l’abbé.

— Eh ! bien, je vais écrire au seul homme qui puisse avoir des renseignements sur le sort d’Albert, à monsieur Léopold Hannequin, notaire à Paris, son ami d’enfance.

— N’écrivez plus que pour rendre hommage à la vérité, répondit le vicaire-général. Confiez-moi les véritables lettres et les fausses, faites-moi vos aveux bien en détail, comme au directeur de votre conscience, en me demandant les moyens d’expier vos fautes et vous en rapportant à moi. Je verrai… Car, avant tout, rendez à ce malheureux son innocence devant l’être dont il a fait son dieu sur cette terre. Même après avoir perdu le bonheur, Albert doit tenir à sa justification.

Philomène promit à l’abbé de Grancey de lui obéir en espérant que ses démarches auraient peut-être pour résultat de lui ramener Albert.

Peu de temps après la confidence de Philomène, un clerc de monsieur Léopold Hannequin vint à Besançon muni d’une procu-