pour les prêtres, car vous êtes les prêtres pour eux. Si je me charge de votre affaire, c’est que j’étais, en 1828, secrétaire particulier à tel Ministère (nouveau mouvement d’étonnement chez mon abbé), maître des requêtes sous le nom d’Albert de Savarus (autre mouvement). Je suis resté fidèle aux principes monarchiques ; mais comme vous n’avez pas la majorité dans Besançon, il faut que j’acquière des voix dans la bourgeoisie. Donc, les honoraires que je vous demande, c’est les voix que vous pourrez faire porter sur moi dans un moment opportun, secrètement. Gardons-nous le secret l’un à l’autre, et je plaiderai gratis toutes les affaires de tous les prêtres du diocèse. Pas un mot de mes antécédents, et soyons-nous fidèles. » Quand il est venu me remercier, il m’a remis un billet de cinq cents francs, et m’a dit à l’oreille : — Les voix tiennent toujours. En cinq conférences que nous avons eues, je me suis fait, je crois, un ami de ce vicaire général. Maintenant, accablé d’affaires, je ne me charge que de celles qui regardent les négociants, en disant que les questions de commerce sont ma spécialité. Cette tactique m’attache les gens de commerce et me permet de rechercher les personnes influentes. Ainsi tout va bien. D’ici à quelques mois, j’aurai trouvé dans Besançon une maison à acheter qui puisse me donner le cens. Je compte sur toi pour me prêter les capitaux nécessaires à cette acquisition. Si je mourais, si j’échouais, il n’y aurait pas assez de perte pour que ce soit une considération entre nous. Les intérêts te seront servis par les loyers, et j’aurai d’ailleurs soin d’attendre une bonne occasion, afin que tu ne perdes rien à cette hypothèque nécessaire.
« Ah ! mon cher Léopold, jamais joueur, ayant dans sa poche les restes de sa fortune, et la jouant au Cercle des Étrangers, dans une dernière nuit d’où il doit sortir riche ou ruiné, n’a eu dans les oreilles les tintements perpétuels, dans les mains la petite sueur nerveuse, dans la tête l’agitation fébrile, dans le corps les tremblements intérieurs que j’éprouve tous les jours en jouant ma dernière partie au jeu de l’ambition. Hélas ! cher et seul ami, voici bientôt dix ans que je lutte. Ce combat avec les hommes et les choses, où j’ai sans cesse versé ma force et mon énergie, où j’ai tant usé les ressorts du désir, m’a miné, pour ainsi dire, intérieurement. Avec les apparences de la force, de la santé, je me sens ruiné. Chaque jour emporte