— D’abord, silence pour silence, dit Philomène. Je ne veux pas épouser monsieur de Soulas ; mais je veux, et absolument, une certaine chose : ma protection ne vous appartient qu’à ce prix.
— Quoi ? demanda Mariette.
— Je veux voir les lettres que monsieur Savaron fera mettre à la poste par Jérôme.
— Mais pourquoi faire ? dit Mariette effrayée.
— Oh ! rien que pour lire, et vous les jetterez vous-même à la poste après. Cela ne fera qu’un peu de retard, voilà tout.
En ce moment, Philomène et Mariette entrèrent à l’église, et chacune d’elles fit ses réflexions, au lieu de lire l’Ordinaire de la messe.
— Mon Dieu ! combien y a-t-il donc de péchés dans tout cela ? se dit Mariette.
Philomène, dont l’âme, la tête et le cœur étaient bouleversés par la lecture de la Nouvelle, y vit enfin une sorte d’histoire écrite pour sa rivale. À force de réfléchir, comme les enfants, à la même chose, elle finit par penser que la Revue de l’Est devait être envoyée à la bien-aimée d’Albert.
— Oh ! se disait-elle à genoux, la tête plongée dans ses mains, et dans l’attitude d’une personne abîmée dans la prière, oh ! comment amener mon père à consulter la liste des gens à qui l’on envoie cette Revue ?
Après le déjeuner, elle fit un tour de jardin avec son père, en le cajolant, et l’amena sous le kiosque.
— Crois-tu, mon cher petit père, que notre Revue aille à l’étranger ?
— Elle ne fait que commencer…
— Eh ! bien, je parie qu’elle y va.
— Ce n’est guère possible.
— Va le savoir, et prends les noms des abonnés à l’étranger.
Deux heures après, monsieur de Watteville dit à sa fille : — J’ai raison, il n’y a pas encore un abonné dans les pays étrangers. L’on espère en avoir à Neufchâtel, à Berne, à Genève. On en envoie bien un exemplaire en Italie, mais gratuitement, à une dame milanaise, à sa campagne sur le lac Majeur, à Belgirate.
— Son nom, dit vivement Philomène.
— La duchesse d’Argaiolo.
— La connaissez-vous, mon père ?