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l’avait rapproché de l’hôtel de Rupt, il fit le siége en règle de la dévote femme de chambre, aussi raide, aussi prude que sa maîtresse, et qui, semblable à toutes les vieilles filles laides, se montrait plus exigeante que les plus belles personnes. Si maintenant la scène nocturne du kiosque est expliquée pour les personnes clairvoyantes, elle l’était très-peu pour Philomène, qui néanmoins y gagna la plus dangereuse de toutes les instructions, celle que donne le mauvais exemple. Une mère élève sévèrement sa fille, la couve de ses ailes pendant dix-sept ans, et dans une heure, une servante détruit ce long et pénible ouvrage, quelquefois par un mot, souvent par un geste ! Philomène se recoucha, non sans penser à tout le parti qu’elle pouvait tirer de cette découverte. Le lendemain matin, en allant à la messe en compagnie de Mariette (la baronne était indisposée), Philomène prit le bras de sa femme de chambre, ce qui surprit étrangement la Comtoise.

— Mariette, lui dit-elle, Jérôme a-t-il la confiance de son maître ?

— Je ne sais pas, mademoiselle.

— Ne faites pas l’innocente avec moi, répondit sèchement Philomène. Vous vous êtes laissé embrasser par lui cette nuit, sous le kiosque. Je ne m’étonne plus si vous approuviez tant ma mère à propos des embellissements qu’elle y projetait.

Philomène sentit le tremblement qui saisit Mariette par celui de son bras.

— Je ne vous veux pas de mal, dit Philomène en continuant, rassurez-vous, je ne dirai pas un mot à ma mère, et vous pourrez voir Jérôme tant que vous voudrez.

— Mais, mademoiselle, répondit Mariette, c’est en tout bien, tout honneur, Jérôme n’a pas d’autre intention que celle de m’épouser…

— Mais alors, pourquoi vous donner des rendez-vous la nuit ?

Mariette atterrée ne sut rien répondre.

— Écoutez, Mariette, j’aime aussi, moi ! J’aime en secret et toute seule. Je suis, après tout, unique enfant de mon père et de ma mère ; ainsi vous avez plus à espérer de moi que de qui que ce soit au monde…

— Certainement, mademoiselle, vous pouvez compter sur nous à la vie et à la mort, s’écria Mariette, heureuse de ce dénoûment imprévu.