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sur la science héraldique. Jamais un journal n’avait souillé ses regards. Elle entendait tous les matins la messe à la cathédrale où la menait sa mère, revenait déjeuner, travaillait après une petite promenade dans le jardin, et recevait les visites assise près de la baronne jusqu’à l’heure du dîner ; puis après, excepté les lundis et les vendredis, elle accompagnait madame de Watteville dans les soirées, sans pouvoir y parler plus que ne le voulait l’ordonnance maternelle.

À dix-sept ans, mademoiselle de Watteville était une jeune fille frêle, mince, plate, blonde, blanche, et de la dernière insignifiance. Ses yeux, d’un bleu pâle, s’embellissaient par le jeu des paupières qui, baissées, produisaient une ombre sur ses joues. Quelques taches de rousseur nuisaient à l’éclat de son front, d’ailleurs bien coupé. Son visage ressemblait parfaitement à ceux des saintes d’Albert Dürer et des peintres antérieurs au Pérugin : même forme grasse, quoique mince, même délicatesse attristée par l’extase, même naïveté sévère. Tout en elle, jusqu’à sa pose rappelait ces vierges dont la beauté ne reparaît dans son lustre mystique qu’aux yeux d’un connaisseur attentif. Elle avait de belles mains, mais rouges, et le plus joli pied, un pied de châtelaine. Habituellement, elle portait des robes de simple cotonnade ; mais le dimanche et les jours de fête sa mère lui permettait la soie. Ses modes faites à Besançon, la rendaient presque laide ; tandis que sa mère essayait d’emprunter de la grâce, de la beauté, de l’élégance aux modes de Paris d’où elle tirait les plus petites choses de sa toilette, par les soins du jeune monsieur de Soulas. Philomène n’avait jamais porté de bas de soie, ni de brodequins, mais des bas de coton et des souliers de peau. Les jours de gala, elle était vêtue d’une robe de mousseline, coiffée en cheveux, et avait des souliers en peau bronzée.

Cette éducation et l’attitude modeste de Philomène cachaient un caractère de fer. Les physiologistes et les profonds observateurs de la nature humaine vous diront, à votre grand étonnement peut-être, que, dans les familles, les humeurs, les caractères, l’esprit, le génie reparaissent à de grands intervalles absolument comme ce qu’on appelle les maladies héréditaires. Ainsi le talent, de même que la goutte, saute quelquefois de deux générations. Nous avons, de ce phénomène, un illustre exemple dans George Sand en qui revivent la force, la puissance et le concept du maréchal de Saxe,