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Dites-moi que ce n’est pas un homme léger, vous qui le connaissez !

Ce cri fut sublime.

— Voici donc le moment venu d’élever entre nous des barrières insurmontables, pensa le pauvre Paz en concevant un héroïque mensonge.

— Du bien ?… reprit-il, je l’aime trop, vous ne me croiriez point. Je suis incapable de vous en dire du mal. Ainsi… mon rôle, madame, est bien difficile entre vous deux.

Clémentine baissa la tête et regarda le bout des souliers vernis de Paz.

— Vous autres gens du Nord, vous n’avez que le courage physique, vous manquez de constance dans vos décisions, dit-elle en murmurant.

— Qu’allez-vous faire seule, madame ? répondit Paz en prenant un air d’ingénuité parfait.

— Vous ne me tenez donc pas compagnie ?

— Pardonnez-moi de vous quitter…

— Comment ! où allez-vous ?

— Je vais au Cirque, il ouvre aux Champs-Élysées ce soir, et je ne puis y manquer…

— Et pourquoi ? dit Clémentine en l’interrogeant par un regard à demi colère.

— Faut-il vous ouvrir mon cœur, reprit-il en rougissant, vous confier ce que je cache à mon cher Adam, qui croit que je n’aime que la Pologne.

— Ah ! un secret chez notre noble capitaine ?

— Une infamie que vous comprendrez et de laquelle vous me consolerez.

— Vous, infâme ?…

— Oui, moi, comte Paz, je suis amoureux fou d’une fille qui courait la France avec la famille Bouthor, des gens qui ont un cirque à l’instar de celui de Franconi, mais qui n’exploitent que les foires ! Je l’ai fait engager par le directeur du Cirque-Olympique.

— Elle est belle ? dit la comtesse.

— Pour moi, reprit-il mélancoliquement. Malaga, tel est son nom de guerre, est forte, agile et souple. Pourquoi je la préfère à toutes les femmes du monde ?… en vérité ! je ne saurais le dire. Quand je la vois, ses cheveux noirs retenus par un bandeau