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vous vous méprenez : madame Firmiani mérite votre estime et toutes les adorations de ses admirateurs.

— La pauvre jeunesse sera donc toujours la même, dit monsieur de Bourbonne. Allons ; va ton train, rabâche-moi de vieilles histoires. Cependant tu dois savoir que je ne suis pas d’hier dans la galanterie.

— Mon bon oncle, voici une lettre qui vous dira tout, répondit Octave en tirant un élégant portefeuille, donné sans doute par elle ; quand vous l’aurez lue, j’achèverai de vous instruire, et vous connaîtrez une madame Firmiani inconnue au monde.

— Je n’ai pas mes lunettes, dit l’oncle, lis-la moi.

Octave commença ainsi : « Mon ami chéri…

— Tu es donc bien lié avec cette femme-là ?

— Mais, oui, mon oncle.

— Et vous n’êtes pas brouillés ?

— Brouillés !… répéta Octave tout étonné. Nous sommes mariés à Greatna-Green.

— Hé bien, reprit monsieur de Bourbonne, pourquoi dînes-tu donc à quarante sous ?

— Laissez-moi continuer.

— C’est juste, j’écoute.

Octave reprit la lettre, et n’en lut pas certains passages sans de profondes émotions.

« Mon époux aimé, tu m’as demandé raison de ma tristesse ; a-t-elle donc passé de mon âme sur mon visage, ou l’as-tu seulement devinée ? et pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? nous sommes si bien unis de cœur ! D’ailleurs, je ne sais pas mentir, et peut-être est-ce un malheur ? Une des conditions de la femme aimée est d’être toujours caressante et gaie. Peut-être devrais-je te tromper ; mais je ne le voudrais pas, quand même il s’agirait d’augmenter ou de conserver le bonheur que tu me donnes, que tu me prodigues, dont tu m’accables. Oh ! cher, combien de reconnaissance comporte mon amour ! Aussi veux-je t’aimer toujours, sans bornes. Oui, je veux toujours être fière de toi. Notre gloire, à nous, est toute dans celui que nous aimons. Estime, considération, honneur, tout n’est-il pas à celui qui a tout pris ! Eh bien ! mon ange a failli. Oui, cher, ta dernière confidence a terni ma félicité passée. Depuis ce moment, je me trouve humiliée en toi ; en toi que je regardais comme le plus pur des hommes, comme tu en es le plus aimant et