Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/242

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ce qui est bien ; mais, pour son supplice, elle demeure au Marais, et son mari a été avoué, mais avoué à la Cour royale.

— Madame Firmiani, monsieur ? je ne la connais pas. Cet homme appartient au genre des Ducs. Il n’avoue que les femmes présentées. Excusez-le, il a été fait duc par Napoléon.

— Madame Firmiani ? N’est-ce pas une ancienne actrice des Italiens ? Homme du genre Niais. Les individus de cette classe veulent avoir réponse à tout. Ils calomnient plutôt que de se taire.

DEUX VIEILLES DAMES (femmes d’anciens magistrats). LA PREMIERE. (Elle a un bonnet à coques, sa figure est ridée, son nez est pointu, elle tient un Paroissien, voix dure.) — Qu’est-elle en son nom, cette madame Firmiani ? LA SECONDE. (Petite figure rouge ressemblant à une vieille pomme d’api, voix douce.) — Une Cadignan, ma chère, nièce du vieux prince de Cadignan et cousine par conséquent du duc de Maufrigneuse.

Madame Firmiani est une Cadignan. Elle n’aurait ni vertus, ni fortune, ni jeunesse, ce serait toujours une Cadignan. Une Cadignan, c’est comme un préjugé, toujours riche et vivant.

UN ORIGINAL. — Mon cher, je n’ai jamais vu de socques dans son antichambre, tu peux aller chez elle sans te compromettre et y jouer sans crainte, parce que, s’il y a des fripons, ils sont gens de qualité ; partant, on ne s’y querelle pas.

VIEILLARD APPARTENANT AU GROUPE DES OBSERVATEURS. — Vous irez chez madame Firmiani, vous trouverez, mon cher, une belle femme nonchalamment assise au coin de sa cheminée. À peine se lèvera-t-elle de son fauteuil, elle ne le quitte que pour les femmes ou les ambassadeurs, les ducs, les gens considérables. Elle est fort gracieuse, elle charme, elle cause bien et veut causer de tout. Il y a chez elle tous les indices de la passion, mais on lui donne trop d’adorateurs pour qu’elle ait un favori. Si les soupçons ne planaient que sur deux ou trois de ses intimes, nous saurions quel est son cavalier servant ; mais c’est une femme tout mystère : elle est mariée, et jamais nous n’avons vu son mari ; monsieur Firmiani est un personnage tout à fait fantastique, il ressemble à ce troisième cheval que l’on paie toujours en courant la poste et qu’on n’aperçoit jamais ; madame, à entendre les artistes, est le premier contr’alto d’Europe et n’a pas chanté trois fois depuis qu’elle est à Paris ; elle reçoit beaucoup de monde et ne va chez personne.

L’Observateur parle en prophète. Il faut accepter ses paroles,