comme s’ils eussent pressenti sa fin prochaine, les envieux de Balzac commençaient à le louer : les Parents pauvres, le Cousin Pons, où le génie de l’auteur brille de tout son éclat, ralliaient tous les suffrages. — C’était trop beau ; il ne lui restait plus qu’à mourir.
Sa maladie fit de rapides progrès, mais personne ne croyait à un dénoûment fatal, tant on avait confiance dans l’athlétique organisation de Balzac. Nous pensions fermement qu’il nous enterrerait tous.
Huit ans déjà se sont écoulés depuis la mort de Balzac[1]. La postérité a commencé pour lui ; chaque jour il semble plus grand. Lorsqu’il était mêlé à ses contemporains, on l’appréciait mal, on ne le voyait que par fragments, sous des aspects parfois défavorables : maintenant l’édifice qu’il a bâti s’élève à mesure qu’on s’en éloigne, comme la cathédrale d’une ville que masquaient les maisons voisines, et qui à l’horizon se dessine immense au-dessus des toits aplatis. Le monument n’est pas achevé ; mais tel qu’il est, il effraye par son énormité, et les générations surprises se demanderont quel est le géant qui a soulevé seul ces blocs formidables et monté si haut cette Babel où bourdonne toute une société.
Quoique mort, Balzac a pourtant encore des détracteurs ; on jette à sa mémoire ce reproche banal d’immoralité, dernière injure de la médiocrité impuissante et jalouse, ou même de la pure bêtise. L’auteur de la Comédie humaine, non-seulement n’est pas immoral, mais c’est même un moraliste austère. Monarchique et catholique, il défend l’autorité, exalte la religion, prêche le devoir, morigène la passion, et n’admet le bonheur que dans le mariage et la famille.
- ↑ 18 août 1850.