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L’Anglais voulut s’élancer ; je le retins ; la fuite était impossible, à cause des mares profondes que nous avions dû contourner en venant, et où nous tomberions au retour.

Ce fut, dans nos cœurs, une minute d’horrible angoisse. Puis, la petite Anglaise se mit à sourire et murmura :

— Ce été nous les naufragés !

Je voulus rire ; mais la peur m’étreignait, une peur lâche, affreuse, basse et sournoise comme ce flot. Tous les dangers que nous courions m’apparurent en même temps. J’avais envie de crier : « Au secours ! » Vers qui ?

Les deux petites Anglaises s’étaient blotties contre leur père, qui regardait d’un œil consterné, la mer démesurée autour de nous.

Et la nuit tombait, aussi rapide que l’Océan montant, une nuit lourde, humide, glacée :

Je dis :

— Il n’y a rien à faire qu’à demeurer sur ce bateau.

L’Anglais répondit :

— Oh ! yes !

Et nous restâmes là un quart d’heure, une demi-heure, je ne sais, en vérité, combien de temps, à regarder, autour de nous, cette eau