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vers une sorte de roc noir que j’apercevais au-dessus de l’eau, là-bas, là-bas.

J’allais vite sur cette plaine jaune, élastique comme de la chair, et qui semblait suer sous mon pied. La mer, tout à l’heure, était là ; maintenant, je l’apercevais au loin, se sauvant à perte de vue, et je ne distinguais plus la ligne qui séparait le sable de l’Océan. Je croyais assister à une féerie gigantesque et surnaturelle. L’Atlantique était devant moi tout à l’heure, puis il avait disparu dans la grève, comme font les décors dans les trappes, et je marchais à présent au milieu d’un désert. Seuls, la sensation, le souffle de l’eau salée demeuraient en moi. Je sentais l’odeur du varech, l’odeur de la vague, la rude et bonne odeur des côtes. Je marchais vite ; je n’avais plus froid ; je regardais l’épave échouée, qui grandissait à mesure que j’avançais et ressemblait à présent à une énorme baleine naufragée.

Elle semblait sortir du sol et prenait, sur cette immense étendue plate et jaune, des proportions surprenantes. Je l’atteignis enfin, après une heure de marche. Elle gisait sur le flanc, crevée, brisée, montrant, comme les côtes d’une bête, ses os rompus, ses os de