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de la petite Roque. Il écoutait sonner les heures ; il entendait battre dans le silence le balancier de sa pendule et les coups profonds de son cœur. Et il souffrait, le misérable, plus qu’aucun homme n’avait jamais souffert.

Puis, dès qu’une ligne blanche apparaissait au plafond, annonçant le jour prochain, il se sentait délivré, seul enfin, seul dans sa chambre ; et il se recouchait. Il dormait alors quelques heures, d’un sommeil inquiet et fiévreux, où il recommençait souvent en rêve l’épouvantable vision de ses veilles.

Quand il descendait plus tard pour le déjeuner de midi, il se sentait courbaturé comme après de prodigieuses fatigues ; et il mangeait à peine, hanté toujours par la crainte de celle qu’il reverrait la nuit suivante.

Il savait bien pourtant que ce n’était pas une apparition, que les morts ne reviennent point, et que son âme malade, son âme obsédée par une pensée unique, par un souvenir inoubliable, était la seule cause de son supplice, la seule évocatrice de la morte ressuscitée par elle, appelée par elle et dressée aussi par elle devant ses yeux où restait empreinte l’image ineffaçable. Mais il savait aussi qu’il