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çut la petite Roque nue et sanglante sur la mousse.

Il recula crispé d’horreur, heurta son siège et tomba sur le dos. Il y resta quelques minutes l’âme en détresse, puis il s’assit et se mit à réfléchir. Il avait eu une hallucination, voilà tout ; une hallucination venue de ce qu’un maraudeur de nuit marchait au bord de l’eau avec son fanal. Quoi d’étonnant d’ailleurs à ce que le souvenir de son crime était en lui, parfois, la vision de la morte.

S’étant relevé, il but un verre d’eau, puis s’assit. Il songeait : « Que vais-je faire, si cela recommence ? » Et cela recommencerait, il le sentait, il en était sûr. Déjà la fenêtre sollicitait son regard, l’appelait, l’attirait. Pour ne plus la voir, il tourna sa chaise ; puis il prit un livre et essaya de lire ; mais il lui sembla entendre bientôt s’agiter quelque chose derrière lui, et il fit brusquement pivoter sur un pied son fauteuil. Le rideau remuait encore ; certes, il avait remué, cette fois ; il n’en pouvait plus douter ; il s’élança et le saisit d’une main si brutale qu’il le jeta bas avec sa galerie ; puis il colla avidement sa face contre la vitre. Il ne vit rien. Tout était noir au dehors ; et il respira