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cette petite Vénus paysanne, née dans les bouillons du ruisselet, comme l’autre, la grande, dans les vagues de la mer.

Soudain l’enfant sortit du bain, et, sans le voir, s’en vint vers lui pour chercher ses hardes et se rhabiller. À mesure qu’elle approchait à petits pas hésitants, par crainte des cailloux pointus, il se sentait poussé vers elle par une force irrésistible, par un emportement bestial qui soulevait toute sa chair, affolait son âme et le faisait trembler des pieds à la tète.

Elle resta debout, quelques secondes, derrière le saule qui le cachait. Alors, perdant toute raison, il ouvrit les branches, se rua sur elle et la saisit dans ses bras. Elle tomba, trop effarée pour résister, trop épouvantée pour appeler, et il la posséda sans comprendre ce qu’il faisait.

Il se réveilla de son crime, comme on se réveille d’un cauchemar. L’enfant commençait à pleurer.

Il dit : « Tais-toi, tais-toi donc. Je te donnerai de l’argent. »

Mais elle n’écoutait pas ; elle sanglotait.

Il reprit : « Mais tais-toi donc. Tais-toi donc. Tais-toi donc. »