Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

terminé sa toilette de condamné, quand les bûcherons en eurent sapé la base, cinq hommes commencèrent à tirer sur la corde attachée au faîte.

L’arbre résista ; son tronc puissant, bien qu’entaillé jusqu’au milieu, était rigide comme du fer. Les ouvriers, tous ensemble, avec une sorte de saut régulier, tendaient la corde en se couchant jusqu’à terre, et ils poussaient un cri de gorge essoufflé qui montrait et réglait leur effort.

Deux bûcherons, debout contre le géant, demeuraient la hache au poing, pareils à deux bourreaux prêts à frapper encore, et Renardet, immobile, la main sur l’écorce, attendait la chute avec une émotion inquiète et nerveuse.

Un des hommes lui dit : « Vous êtes trop près, monsieur le maire ; quand il tombera, ça pourrait vous blesser. »

Il ne répondit pas et ne recula point ; il semblait prêt à saisir lui-même à pleins bras le hêtre pour le terrasser comme un lutteur.

Ce fut tout à coup, dans le pied de la haute colonne de bois, un déchirement qui sembla courir jusqu’au sommet comme une secousse douloureuse ; et elle s’inclina un