Page:Œuvres complètes de Guy de Maupassant, XVI.djvu/30

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rêtèrent, n’osant plus avancer et parlant bas. Puis ils s’enhardirent, firent quelques pas, s’arrêtèrent encore, avancèrent de nouveau, et ils formèrent bientôt autour de la morte, de sa mère, du médecin et de Renardet, un cercle épais, agité et bruyant qui se resserrait sous les poussées subites des derniers venus. Bientôt ils touchèrent le cadavre. Quelques-uns même se baissèrent pour le palper. Le médecin les écarta. Mais le maire, sortant brusquement de sa torpeur, devint furieux et, saisissant la canne du docteur Labarbe, il se jeta sur ses administrés en balbutiant : « Foutez-moi le camp… foutez-moi le camp… tas de brutes… foutez-moi le camp… » En une seconde le cordon de curieux s’élargit de deux cents mètres.

La Roque s’était relevée, retournée, assise, et elle pleurait maintenant dans ses mains jointes sur sa face.

Dans la foule, on discutait la chose ; et des yeux avides de garçons fouillaient ce jeune corps découvert. Renardet s’en aperçut, et, enlevant brusquement sa veste de toile, il la jeta sur la fillette qui disparut tout entière sous le vaste vêtement.

Les curieux se rapprochaient doucement ;