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m’assis. Il pleuvait. Des gens passaient de temps en temps sous des parapluies. La vie m’apparut odieuse et révoltante, pleine de misères, de hontes, d’infamies voulues ou inconscientes. Ma fille !… Je venais peut-être de posséder ma fille !… Et Paris, ce grand Paris sombre, morne, boueux, triste, noir, avec toutes ces maisons fermées, était plein de choses pareilles, d’adultères, d’incestes, d’enfants violés. Je me rappelai ce qu’on disait des ponts hantés par des vicieux infâmes.

J’avais fait, sans le vouloir, sans le savoir, pis que ces êtres ignobles. J’étais entré dans la couche de ma fille !

Je faillis me jeter à l’eau. J’étais fou ! J’errai jusqu’au jour, puis je revins chez moi pour réfléchir.

Je fis alors ce qui me parut le plus sage : je priai un notaire d’appeler cette petite et de lui demander dans quelles conditions sa mère lui avait remis le portrait de celui qu’elle supposait être son père, me disant chargé de ce soin par un ami.

Le notaire exécuta mes ordres. C’est à son lit de mort que cette femme avait désigné le père de sa fille, et devant un prêtre qu’on me nomma.