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La ville prochaine, c’était Rethel, ancienne place forte perchée sur un rocher. On y était patriote, et les bourgeois avaient décidé de résister aux envahisseurs, de s’enfermer chez eux et de soutenir un siège selon la tradition de la cité. Deux fois déjà, sous Henri IV et sous Louis XIV, les habitants de Rethel s’étaient illustrés par des défenses héroïques. Ils en feraient autant cette fois, ventrebleu ! ou bien on les brûlerait dans leurs murs.

Donc, ils avaient acheté des canons et des fusils, équipé une milice, formé des bataillons et des compagnies, et ils s’exerçaient tout le jour sur la place d’Armes. Tous, boulangers, épiciers, bouchers, notaires, avoués, menuisiers, libraires, pharmaciens eux-mêmes, manœuvraient à tour de rôle, à des heures régulières, sous les ordres de M. Lavigne, ancien sous-officier de dragons, aujourd’hui mercier, ayant épousé la fille et hérité de la boutique de M. Ravaudan, l’aîné.

Il avait pris le grade de commandant-major de la place, et tous les jeunes hommes étant partis à l’armée, il avait enrégimenté tous les autres qui s’entraînaient pour la résistance. Les gros n’allaient plus par les rues qu’au pas gymnastique pour fondre leur graisse et prolonger leur haleine, les faibles portaient des fardeaux pour fortifier leurs muscles.