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rence les hommes d’allure calme, comme elle, mais elle les voulait beaux. Elle voulait encore qu’ils n’eussent aucune liaison connue, aucune passion ayant pu laisser des traces ou ayant fait quelque bruit. Car l’homme dont on cite les amours n’est jamais un homme bien discret.

Après avoir distingué celui qui l’aimerait pendant les trois ans de séjour réglementaire, il restait à lui jeter le mouchoir.

Que de femmes se seraient trouvées embarrassées, auraient pris les moyens ordinaires, les voies suivies par toutes, se seraient fait faire la cour en marquant toutes les étapes de la conquête et, de la résistance, en laissant un jour baiser les doigts, le lendemain le poignet, le jour suivant la joue, et puis la bouche, et puis le reste.

Elle avait une méthode plus prompte, plus discrète et plus sûre. Elle donnait un bal.

L’officier choisi invitait à danser la maîtresse de la maison. Or, en valsant, entraînée par le mouvement rapide, étourdie par l’ivresse de la danse, elle se serrait contre lui comme pour se donner, et lui étreignait la main d’une pression nerveuse et continue.

S’il ne comprenait pas, ce n’était qu’un sot, et elle passait au suivant, classé au numéro deux dans les cartons de son désir.