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aucun soupçon, aucun potin, aucun scandale dans la petite ville qui la regarde avec tous ses yeux et toutes ses fenêtres.

Mme  Amandon était un type de cette race rare, mais charmante. Jamais on ne l’avait suspectée, jamais on n’aurait pensé que sa vie n’était pas limpide comme son regard, un regard marron, transparent et chaud, mais si honnête — vas-y voir !

Donc, elle avait un truc admirable, d’une invention géniale, d’une ingéniosité merveilleuse et d’une incroyable simplicité.

Elle cueillait tous ses amants dans l’armée, et les gardait trois ans, le temps de leur séjour dans la garnison. — Voilà. — Elle n’avait pas d’amour, elle avait des sens.

Dès qu’un nouveau régiment arrivait à Perthuis-le-Long, elle prenait des renseignements sur tous les officiers entre trente et quarante ans car avant trente ans on n’est pas encore discret. Après quarante ans, on faiblit souvent.

Oh ! elle connaissait les cadres aussi bien que le colonel. Elle savait tout, tout, les habitudes intimes, l’instruction, l’éducation, les qualités physiques, la résistance à la fatigue, le caractère patient ou violent, la fortune, la tendance à l’épargne ou à la prodigalité. Puis elle faisait son choix. Elle prenait de préfé-