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TOINE.

des craintes de petit enfant devant sa femme qui piaillait toute la journée :

— Le v’là, le gros sapas, le v’là, le propre à rien, le faigniant, ce gros soulot ! C’est du propre, c’est du propre !

Il ne répondait plus. Il clignait seulement de l’œil derrière le dos de la vieille et il se retournait sur sa couche, seul mouvement qui lui demeurât possible. Il appelait cet exercice faire un « va-t-au nord », ou un « va-t-au sud ».

Sa grande distraction maintenant c’était d’écouter les conversations du café, et de dialoguer à travers le mur quand il reconnaissait les voix des amis, il criait :

— Hé, mon gendre, c’est té Célestin ?

Et Célestin Maloisel répondait :

− C’est mé, pé Toine. C’est-il que tu regalopes, gros lapin ?

Toine-ma-Fine prononçait :

− Pour galoper, point encore. Mais je n’ai point maigri, l’coffre est bon.

Bientôt il fit venir les plus intimes dans sa chambre et on lui tenait compagnie, bien qu’il se désolât de voir qu’on buvait sans lui. Il répétait :

— C’est ça qui me fait deuil, mon gendre, de n’pu goûter d’ma Fine, nom d’un nom. L’reste, j’men gargarise, mais de ne point bé mé ça fait deuil.